mercredi 25 avril 2012

Mon fils

Mon fils !
Je ne cesse de voir que tu grandis !
Mon fils, tu as perdu ta mère
Tu es en train de perdre ton passé
Plus que quelques liens ténus
Tu es si digne
Tu as perdu cette mère qui dès ton enfance devait déjà être
Fatiguée
Elle est morte d'épuisement
De travail
Elle t'a fait tel que tu es
Généreux, digne et sachant le juste
Connaissant la compassion
Tu es son fils
Tu as perdu ta mère
Qui  par son sang, sa sueur
Ses gestes qui t'ont nourri, puni, caressé peut-être parfois,
Appris sûrement plus que tout autre
T'ont élevé à ce que tu es
Son cœur a lâché
Son sang et sa sueur sont dans tes veines

Miroir

Cher miroir !

Une longue histoire

Voilà bien 15 ans que tu me renvois des images. Tu as succédé à un autre miroir. Un miroir qui renvoyait des images négatives bien féroces, mais, pour son malheur, il était encore plus féroce envers lui-même. Un miroir de mauvaise facture, quoi !, toujours en train de se briser. Un miroir à brisures ouvertes, plus ou moins cicatrisées selon les moments.
Cher miroir, tu ne te brises pas, toi ! Tu es si bien.
Nous avons eu tant de complicité dans le verbe toi et moi. Pas dans l'action, ça c'est sûr. Des années de consultations, de reflet. Je t'ai choisi par affinités bien sûr, comme toi d'ailleurs. Et par masochisme aussi.

Miroir sélectif

Après ces années de recul, je comprends mieux mon choix inconscient à l'époque, d'avoir choisi un miroir qui se respecte. De l'image qu'il renvoie de lui-même. C'est un miroir respectable et respecté. Il a un franc succès auprès d'un public distingué qui a pour plus petits dénominateurs communs une bonne éducation, un profile décalé et une haute estime de soi.
Enfin, vous avez compris, pas n'importe quel miroir.
Comme tout miroir de prix, mon miroir a ses petits caprices. Il faut se déplacer pour s'y refléter, il n'est pas de ceux, vulgaires, qui se déplace à domicile facilement. Il y vient, mais jamais spontanément. Il faut l'y attirer en lui préparant ce qu'il aime. Un cadre qui convient à l'image qui a de lui. S'abaisserait-il à venir se mêler, non !
Et puis, il faut pas être malade non plus ! C'est pas amusant de refléter la maladie. On ne sait jamais, ça pourrait le ternir.
Mon miroir est si préoccupé par son image, qu'il a entrepris depuis plusieurs années de former un petit miroir qui, ma foi, a bien appris. Une éponge. Bien qu'il ne soit pas fait du même bois, la surface de réflexion du petit miroir s'est peu à peu mise à refléter les mêmes goûts. L'opération a été menée de main de maître.

Réflecteur vicieux

Tes micro-bulles, invisibles à l’œil nu, je m'y suis vu déformés avec tant d'art. Car mon miroir à moi a un contrôle maniaque de son image. 
Tu m'en a envoyé des images dévalorisantes si bien envoyées !
Il fut une époque où je provoquais tes envois si peu aimables. C'était si facile de provoquer ton émission.
Je me suis rendu compte à quel point j'avais besoin de tes terribles sentences. Le poison était dans ma tête. A croire que tu n'existes pas vraiment, que tu es le pur produit de mon imagination. Je serais fort décontenancé si il s’avérait que tu n'avais été qu'une illusion.
La question fondamentale est de savoir le poids de l'image renvoyée. Le poids d'une image négative ?
La deuxième est de savoir si il est préférable que cette image ait été provoquée et en quelle que sorte contrôlée par celui qui la reçoit. Le miroir serait une sorte de machine à renvoyer des images négatives contrôlée à distance. Ma foi une faible consolation que de croire maîtriser les insultes. Une illusion, lol.
Les miroirs renvoyant des images négatives avec une intention blessante devraient être polis.  Pas brisés. Non, bien polis et orientés sur un autre miroir.

lundi 16 avril 2012

Schéma narratif

Schéma quinaire

Si l'on part d'un conte merveilleux comme la Belle au bois dormant, on pourrait proposer une analyse structurale, applicable à d'autres types de récit, mutatis mutandis. Une série de motifs, de séquences essentielles s'enchaînent ainsi :

1
2
3
4
5
équilibre initial
perturbation
déséquilibre
action réparatrice
rétablissement de l'équilibre
bonheur d'une princesse et de sa famille
jalousie d'une fée
maléfice sommeil de 100 ans
arrivée du prince charmant
levée du sortilège etc.

Résumé pour mémoire du conte, dans la version de Perrault :
Une jeune princesse, fille unique, est condamnée par une méchante fée (vexée de n'avoir pas été conviée au baptême de la Belle) à une mort accidentelle. Grâce à l'intervention d'une bonne fée, au lieu de subir la mort prédite, elle s'endort pour un sommeil de cent ans, au terme duquel un Prince l'éveille puis l'épouse en secret.
La Belle donne naissance à une fille, l'Aurore, et à un garçon, le Jour, que sa belle-mère, l'Ogresse, cherche à dévorer : une ruse de son maître d'hôtel l'en empêche et l'Ogresse meurt, victime de l'horrible vengeance qu'elle avait préparée.

L'analyse morphologique du récit de Paul Larivaille

Ce type d'analyse, souvent appelé schéma narratif ou quinaire, a été utilisé d'abord pour décrire la structure élémentaire des contes ; c'est un type de schéma narratif, c'est-à-dire de construction du récit. Il a été décrit notamment par Paul Larivaille dans L'Analyse morphologique du récit, sous une forme un peu différente :
 
Avant les événements
Pendant les événements
Après les événements
État initial
Processus de transformation
État terminal
 
Provocation
Action
Sanction

1
2
3
4
5
Commentaires :
  1. situation initiale : au début, on met en place l’histoire (cadre, moment, lieu, personnages) et un état stable pour les personnages est souvent posé ; quelquefois le récit peut correspondre à une prise de conscience avec le constat liminaire d'un manque, d'une carence à combler.
  2. perturbation : un élément nouveau introduit une instabilité ; il déclenche le début d’un processus de transformation. Il y a une complication.
  3. déséquilibre : dynamique en rupture avec l’équilibre initial.
  4. tentative de réparation (ou résolution du problème, actions réparatrices) : moyens utilisés par les personnages pour essayer de résoudre le déséquilibre. Plusieurs tentatives s'avèrent parfois nécessaires.
  5. situation finale : le texte se clôt avec la construction d’un nouvel équilibre ou un retour à l’équilibre initial…A la fin, on peut aussi obtenir un autre équilibre mais l'issue d'un récit n’est pas toujours heureuse et optimisme ; parfois le récit se clôt sur un échec du héros et non sur l'habituel "happy end", cher au lecteur naïf. On peut évoquer ainsi L'éducation sentimentale et Madame Bovary de Flaubert, les Illusions perdues de Balzac, voire le petit « Chaperon Rouge » de Perrault. La clôture est bien échec et sanction… Pour parler comme Denise Paulme, qui a travaillé sur « la morphologie des contes africains », certains récits sont de type descendant, car le texte finit plus mal qu’il ne commence. D'autres récits sont de type ascendant, cyclique etc.

Structure du récit de Horst Isenberg appliquée à un récit oral, non littéraire : 


Note : dans ce schéma, comprendre l'élément évaluation comme évaluation ou action.

Analyse de Labov et Waletzky 

Cette analyse est voisine de celle proposée par Labov en collaboration avec Waletzky pour rendre compte de récits oraux (W. Labov et J. Waletzky, "Narrative analysis : oral versions of personal experience", 1967). Ils y définissent le récit comme une « méthode de récapitulation de l'expérience passée consistant à faire correspondre à une séquence d'événements (supposés) réels, une séquence parallèle de propositions verbales ».
 
Selon eux, une histoire se compose de six parties structurales ou éléments constitutifs.
1. Le « résumé », donne un aperçu du sujet de l’histoire et sert d'introduction ; il peut résumer, annoncer l'histoire entière ou le résultat de l'histoire
2. L ’ « orientation » fournit de l’information contextuelle sur les protagonistes, leur situation, les lieux ou le temps des événements...
3. La « complication » correspond à la description chronologique des événements jusqu’au moment crucial de l’histoire ; une rupture se produit dans le déroulement attendu. C'est ce qui rend souvent l'histoire intéressante ou mémorable.
4. La « résolution » récapitule les événements finaux de l’histoire. La complication et la résolution constituent ainsi le cœur même du récit, son nœud.
5. L’ «évaluation », généralement incluse dans une des autres catégories, fonctionne en tant que commentaire aux événements narrés ; elle fait le point et donne un sens. Quel est l'intérêt de l'histoire racontée ? Que faut-il penser des personnages, de leurs réactions ? etc.
6. La « coda » signale, par une conclusion formalisée, la fin de l’histoire.
  
En fait, deux fonctions distinctes du récit sont ainsi bien dégagées par Labov et Waletzky :
  • la fonction évaluative : elle rappelle aux auditeurs l'attitude du narrateur face aux événements qu'il rapporte ;
  • la fonction référentielle : celle-ci concerne la construction d'unités narratives, dont le déroulement temporel correspond au déroulement des événements décrits.
Ainsi perçu, un récit représente d'abord un acte de langage, car il fait la communication d'un événement jugé digne d'être raconté, à l'adresse d'un destinataire (auditoire ou lectorat), selon une rhétorique ou "écriture" propre à un groupe humain et social ; il fait l'usage d'une langue singulière (langue normée, dialecte, sociolecte...), d'une rhétorique narrative datée, localisée et de valeurs socioculturelles de référence

Superstructure narrative d'Adam


  • Les travaux d'Adam sur la superstructure narrative (Le texte narratif, 1985 etc.) permettent enfin de souligner les symétries d'un récit : symétrie entre la situation initiale et la situation finale. A partir de la situation de départ se crée un horizon d'attente, la promesse ou la possibilité d'un équilibre, d'un univers rétabli. On peut même concevoir une forme de "détermination rétrograde" allant de la situation finale, programmée par le récit, remontant à la situation initiale.  
  • Par ailleurs, la complication, issue de la situation initiale, et la résolution, qui amène la fin du récit, ont aussi une relation symétrique. Un récit normal, c'est à dire qui fonctionne bien, canoniquement, est un récit qui implique une transformation d'une situation initiale en une situation finale qui se correspondent d'une certaine manière. Greimas constatait déjà en 1966 dans la Sémantique Structurale que la fin du récit amène en général une inversion des contenus par rapport au début. Ainsi, on rencontre des récits ascendants du type : Pierre est pauvre. —> Pierre est riche., Pierre est malheureux. —> Pierre est heureux. ou descendants sur le modèle : Pierre est riche. —> Pierre est pauvre.